Max faisait irrégulièrement ses courses au supermarché.

Il achetait ses boîtes de conserve par deux, par souci de symétrie, et rangeait ses achats devant la jeune caissière stagiaire suivant une ordonnance esthétique. L’agencement était élégant et du plus bel effet pour qui était sensible à cette forme d’expression utilisant des marchandises de consommation alimentaire.
Max voyait dans la symétrie quelque chose d’érotique. Effet accentué par le regard de la jeune caissière dont le léger strabisme en contrastait la pureté.


Derrière lui, les gens attendaient, en désordre, bourniflant d’impatience…


Max photographiait ses installations et confectionnait ce qu’il appelait un autoportrait. C’était un album dans lequel étaient soigneusement collés photos et tickets de caisse. Il pensait avoir ainsi une idée précise et objective de sa propre valeur. Il vérifiait très irrégulièrement le poids de ses hypothèses, installé dans une balance Roberval qu’il avait construite de ses mains et suspendue à un arbre de son jardin.

L’aspect érotique de la symétrie réapparaissait à chaque fois que Max regardait la télévision.
Lorsqu’il croyait reconnaître dans les traits de la présentatrice du Journal Télévisé la jeune caissière stagiaire, il pensait : « Ce qui est ici est là-bas. Ce qui est dedans est dehors. Ce qui est devant est derrière. »
Il pensait également le contraire : « Ce qui n’est pas ici n’est pas là-bas. Ce qui n’est pas à droite n’est pas à gauche. » Etc.
Mais, était-ce bien le contraire ? Ne serait-ce pas plutôt l’inverse ? En tout cas, le contraire l’intéressait. Pour lui, il y avait de la symétrie dans le contraire. L’inverse du contraire avait dans sa simultanéité quelque chose d’encore plus fort. L’inverse, plus symétrique que le contraire, était nettement plus érotique. Il se sentit tout excité par cette idée.
« Ce qui est en haut est en bas. Ce qui n’est pas ailleurs est nulle part. Ce qui n’est pas… est. Qu’est-ce qui est ? et qu’est-ce qui n’est pas ? Il y aurait quelque chose qui est et quelque chose qui n’est pas et ce serait la même chose ? »
Arrivé à ce point de réflexion, il se dit qu’il manquait effectivement quelque chose, mais quoi ? Un truc. Où était donc ce Truc qui manquait ?

Il décida d’y aller voir. Le Truc était forcément quelque part. « Quelque part, quelque part ? S’agissait-il d’ailleurs de quelque part ou du “Quelquepart” ? »
Il avait déjà entendu parler du “Quelquepart”… Et si le “Quelquepart” était là, justement, tout près, derrière l’écran ?
Max avait un vieux poste de télévision dont l’image avait une fâcheuse tendance à se déformer et à disparaître au profit d’ondes colorées et agitées.
Tentant d’imaginer le Truc en question, il ne s’était pas rendu compte qu’un nouveau sigle avait pris place sur l’écran et s’était mis à grandir jusqu’à occuper la surface totale du mur : Antenne 9, lut-il.
Fasciné et attiré malgré lui, il se leva et pénétra dans le royaume des images. « Me voici parti à la quête du Truc », pensa-t-il.
Il se retourna pour regarder l’envers de l’écran et put constater que l’image était identique à celle d’avant, donc du devant. Etant maintenant derrière, donc après, cela le rassura et lui permit de prendre quelques repères.

La suite de cette histoire écrite et illustrée par Max Sauze
est racontée dans un livre de 45 pages sur bristol 160g,
disponible auprès de Anne Le Berre-Sauze - [ voir ]
Tel. : 06 16 57 08 64 - 04 42 28 84 62
23 euros plus frais de port